Parfaite dans la charité
Extrait de l’Antiphonaire de Bangor (vers 680)
L’âge d’or.
La réputation de l’ancienne Abbaye de Bangor participa à la renommée de l’Irlande, à cette époque appelée aussi « l’île des saints et des savants »
Le fondateur de Bangor, Comgall, est né à Margheramorne (comté d’Antrim) vers 517, dans la famille de Fiacha Araidhe, fondateur du royaume de Dalaradia. Son père s’appellait Setna, guerrier Picte, sa mère Briga. Ayant montré des signes qui le prédisposaient au ministère chrétien, il étudia dans le monastère de saint Fintan à Glonenagh (réputé pour sa règle sévère), puis au monastère de Finnian à Clonard et MobiClairenach à Glasnevin. Il fut ordonné prêtre par l’évêque Lugidius à Clonmacnoise ou à Connor.
Les anciens textes donnent différentes dates pour la fondation du monastère de Bangor qui se situe entre 552 et 559. Les Annales du Tighernach et d’Innisfallen donnent la date de 558. (Colomban serait rentré au monastère au cours des premières années de la fondation)
Comgall réunit autour de lui des moines dont la culture et la sainteté firent rapidement la réputation de monastère.
La vie dans le monastère était très sévère, la nourriture frugale.
Les moines se nourrissaient principalement d’herbes, d’eau et de pain. Le lait était considéré comme une indulgence. A Bangor un seul repas, le soir, est autorisé. La confession se faisait à haute voix devant la communauté, les pénitences étaient sévères. Le silence devait être observé à tous les repas et la conversation limitée au minimum. Le jeûne était fréquent et long.
Les offices occupaient une place prépondérante dans la vie de la communauté. En plus du service divin journalier les moines de réunissent cinq fois le jour et trois la nuit pour prier.
Il est clair que la musique avait une place de choix dans l’adoration à Bangor. Mais sa similitude avec « la laus perennis » ou louange perpétuelle introduite en Occident au monastère de St Maurice d’Agaune reste à démontrer.
Comgall est décédé le 10 mai 602 et il fut enterré à Bangor. Sa renommée au cours des siècles en fit un des Pères du monachisme irlandais.
Il ne reste rien du monastère d’origine. Mais à Clandeboye, la chapelle privée (où les visiteurs sont bienvenus) de la famille Blakwood renferme, scellée dans le mur, la hampe d’une croix découverte dans l’enceinte de l’abbaye de Bangor. Ce fragment de grande croix celtique date probablement du 8e siècle.
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Les siècles de déclin
La fin du 8e siècle coïncide avec la fin de l’âge d’or du monastère Saint Comgall. Les invasions des Vikings (Danois pour les Irlandais) du 9e siècle ont marqué le début d’une longue période de dévastations. La position stratégique du monastère qui contrôlait l’entrée de la baie, au bord de la mer, fut mainte fois conquise par les Danois. La première invasion en 810 a été suivie d’autres en 822 et 824. Le tombeau de Comgall a été détruit, ses reliques dispersées.
A partir de 1016 le déclin est rapide, c’est la conséquence de la mise en place d’un système de succession héréditaire instauré par la loi Brehon.
Réforme et renouveau
Au début du XIIe siècle un important mouvement de réforme se met en place dans l’Eglise irlandaise, Bangor participant à cette réforme. Les deux principaux réformateurs furent Gilbert et Malachie.
Saint Malachie (1095-1148)
Il est surtout connu en raison des prophéties sur les papes dont il aurait été l'auteur et qui ne sont, en fait, que la fabrication d'un faussaire qui utilisa son patronyme.
Mael Maedoc Ua Morgair, né à Armagh en 1095, ordonné prêtre en 1119, étudia pendant trois années à Lismore, il hérita de l’abbaye de Bangor par son oncle et il entra dans la vie monastique. A sa nomination comme abbé de Bangor en 1124, Mael Maedoc pris le nom de « Malachias » (en hébreu « Mon Ange » avec une terminaison latine). En même temps il est nommé évêque de Connor (diocèses actuels de Down et Connor et Dromore). Il créa un siège épiscopal à Bangor, il a « vécu au milieu de ses frères dans la pauvreté en pratiquant un ascétisme austère et prêchant dans tout son diocèse ».
Lors de l’attaque du monastère par Conor O’Loughlin (roi des terres à proximité de Londonderry ou Derry) Malachie avec cent trente moines se réfugie au monastère de Lismore (comté de Waterford situé au sud de l’Irlande). Il fonde un monastère (Monasterium Ibracense) à Lough Currane, près de la ville de Waterville, dans le comté de Kerry.
Il quitte son monastère et ses compagnons pour devenir archevêque d’Armagh en 1134, il réussit à rompre la succession héréditaire de cet évêché, ce qui fut une grande victoire pour la réforme engagée dans l’Eglise irlandaise
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En 1137 il retourna à Bangor réorganisant le diocèse de Connor. Il reconstruisit le monastère de Bangor et il exerça une influence dominante sur l’Eglise irlandaise durant toute sa vie.
Deux ans plus tard il décida de se rendre à Rome pour demander au Pape la reconnaissance des deux archevêques d’Irlande. Le Pape refusa au titre qu’il fallait réunir un synode national et il nomma Malachie légat pontifical pour l’Irlande, à la place de Gilbert, qui avait démissionné.
Au cours de son voyage Malachie rencontra saint Bernard de Clairvaux, ce fut le début d’une grande amitié qui se poursuivit jusqu’à la mort de Malachie. Quatre compagnons de Malachie sont restés à Clairvaux pour s’initier à la règle cistercienne et à leur retour en Irlande, ils fondèrent, en 1142, le premier monastère cistercien irlandais à Mellifont prés de Drogheda.
Malachie introduisit les chanoines réguliers de saint Augustin à Bangor vers 1140 ainsi que dans beaucoup d’autres lieux dans la province septentrionale.
A Bangor, Malachie construisit une église en pierre à l’instar de celle qu’il avait vue sur le continent. Malachie doit être considéré comme le pionnier de l’architecture romane irlandaise. L’architecture de son église de Bangor devait ouvrir la voie de l’art roman dans toute l’Irlande au 12e siècle.
Le synode d’Inis-Patraic en 1148 a fait la demande officielle auprès du Saint-Père pour la reconnaissance des deux archevêques irlandais. Malachie reprit la route de Rome pour présenter cette demande au Pape mais il mourut à Clairvaux dans les bras de son ami saint Bernard, le 1er novembre 1148.
La majeure partie de nos connaissances sur saint Malachie nous vient de saint Bernard de Clairvaux qui écrivit la vie de Malachie.
L’époque anglo-normande
On sait peu de choses de l’histoire du monastère de Bangor au cours de l’occupation anglo-normande du 12e siècle au 16e siècle excepté des conflits d’intérêts entre l’abbé et les chanoines de Bangor et le monastère bénédictins de Down, litiges remontant à la fondation de l’évêché par Malachie.
La carte de Mappa Mundi (conservée à la cathédrale d’Hereford) témoigne de l’importance de Bangor.
Sur cette carte du 13e siècle, Jérusalem est au centre et Hibernia (l’Irlande) est aux confins du monde connu (soit à l’angle inférieur gauche). Seulement quatre villes sont mentionnées sur cette carte : Kildare (ville de Ste Brigitte), Armagh (ville de St Patrick) Bangor et Dublin.
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La tour de l’église abbatiale (aujourd’hui clocher de l’église anglicane) date du 14e siècle.
A sa construction, elle était au centre de l’église des Augustins.
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- En 1469 l’Abbaye était en état d’abandon. Bangor demeura un monastère augustinien jusqu’à la fin.
Un document de la fin du 15e siècle appelé la »Pétition Down » adressé au Roi d’Angleterre par le peuple d’Ulster, pour rendre compte des ravages des guerres, porte le sceau de l’abbaye de Bangor, figurant une importante église (représentation symbolique de l’abbaye ?).
Réforme et act of Dissolution (décision du roi d’Angleterre, Henri VIII)
Le vent de la Réforme souffla sur l’Irlande au moment où le monastère a perdu toute autorité. De la Dissolution en 1542 à 1609, l’abbaye fut pillée et incendiée. Les terres furent partagées entre les nobles écossais. L’un d’eux, Sir James Hamilton, transforma l’abbaye de Bangor en église paroissiale. C’est en 1617 qu’il entreprit de reconstruire l’église dont il ne reste que la tour. Elle fut achevée par William Stennors en 1626. Sa pierre tombale est aujourd’hui adossée au mur devant la sacristie. En 1693 une flèche en pierre fut construite sur la tour, ensuite l’église subit d’importantes réparations en 1833 et fut agrandie en 1844 par l’adjonction du chœur et du transept.
Pour tenir compte de l’augmentation de la population au 19e siècle, la construction d’une nouvelle église fut décidée. La première pierre de l’édifice, placé sous le patronage de saint Comgall, a été posée en 1880, et l’église devenue paroissiale, a été achevée en 1899.
En 1916 le Révérend James Albert Carey, nouveau recteur de la paroisse, engage une nouvelle série de travaux, un nouvel orgue est installé.
Avec la croissance démographique de Bangor, la nécessité de diviser la paroisse était devenue urgente. La Paroisse Bangor Abbey fut crée, le recteur James Hamilton fut intronisé le 10 mai 1941, le jour de la St. Comgall.
Débute un nouveau chapitre dans l’illustre et tumultueuse histoire de ce centre spirituel et culturel.
La dernière page de l’histoire de l’église abbatiale a été la restauration réalisée en 1960. On conserva les murs et le clocher de la vieille église pour reconstruire complétant la nef et un chœur plus grand. Une immense peinture représente le christ qui ordonne à saint Colomban et saint Gall d’aller prêcher à travers le monde sous la protection de St Comgall. Cette peinture fut réalisée par Kenneth Webb en 1960
Ce résumé est extrait du livre du chanoine James Hamilton M.A « Bangor Abbey, Through Fifteen Centuries »,. et de la page histoire du site internet de l’église anglicane de Bangor.
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Textes : Philippe Kahn, Josette et Jean Coste
photos : Arnaud Demonet, André Villeminey, Alex Irvine